24 mai
2023

L’APD interdit le transfert des données fiscales des américains accidentels belges vers les Etats-Unis

L’APD a déclaré aujourd’hui illicites, et décidé d’interdire, les transferts de données à caractère personnel des américains accidentels belges par le SPF Finances à l'administration fiscale américaine prévus dans l’accord intergouvernemental FATCA. Selon l’APD, les traitements de données effectués dans le cadre de cet accord ne respectent pas tous les principes du RGPD, en ce compris les règles de transferts de données en dehors de l’UE. Elle demande également au SPF Finances d’alerter le législateur compétent des manquements constatés par l’APD. 


Partage généralisé de données fiscales prévu dans l’accord FATCA

L’accord intergouvernemental communément appelé accord « FATCA » (pour Foreign Account Tax Compliance Act) prévoit la communication de données relatives aux américains résidant à l’étranger à l’administration fiscale américaine (IRS) à des fins de lutte contre la fraude fiscale. Les institutions financières nationales sont ainsi tenues de communiquer ces données à l’administration fiscale du pays de résidence (en Belgique : le SPF Finances), qui, en vertu de l’accord, fera parvenir les données en question à l’IRS.

Fin 2020, l’APD est saisie d’une plainte d’une personne possédant la double nationalité belge et américaine, ainsi que de l’Association des Américains Accidentels de Belgique (AAAB). Les plaignants estiment que les échanges d’informations avec l’IRS prévus par l’accord ne respectent pas tous les principes du RGPD et doivent être stoppés. Le SPF Finances invoque une exception prévue à l’article 96 du RGPD selon laquelle des accords internationaux existant avant la mise en application du RGPD peuvent malgré tout rester en vigueur, à condition que ceux-ci respectaient le droit applicable au moment où ils furent conclus.

D’une part, la Chambre Contentieuse constate que le transfert généralisé et indifférencié de données fiscales prévu dans l’accord ne respecte ni le principe de finalité (l’accord ne contient pas d’objectifs exacts pour le transfert des données), ni le principe de proportionnalité et de minimisation des données (seules les données strictement nécessaires aux fins recherchées, dans le cas d’espèce la lutte contre la fraude fiscale, peuvent être traitées). La Chambre Contentieuse constate également que l’effet de « stand still » de l’article 96 du RGPD a une portée limitée.

De surcroît, l’APD rappelle que cet article dit 96 doit être lu de manière restrictive.

Hielke Hijmans, Président de la Chambre Contentieuse : « Demain, nous célébrons la 5e année d’application du RGPD. L’article 96 ne peut pas avoir pour but que les accords internationaux restent contraires au droit applicable dans le temps. L’exception prévue pour les accords internationaux conclus avant la mise en application du RGPD ne dispense pas les états membres de l’UE de (re)négocier un accord pour le rendre conforme au RGPD. »

La Chambre Contentieuse constate également que l’accord FATCA ne contient pas les garanties appropriées permettant d’assurer aux données personnelles exportées un niveau de protection similaire à celui offert au sein de l’UE.

Conclusions de la Chambre Contentieuse  

La Chambre Contentieuse conclut que les transferts de données des américains résidant en Belgique vers une instance située dans un pays hors de l’UE (ne pouvant pas offrir un niveau de protection des données adéquat) sont illicites. Pour cette raison, elle interdit le traitement par le SPF Finances des données des plaignants, et lui demande d’alerter le législateur de cette interdiction et des manquements constatés.

L’APD ordonne également au SPF Finances d’informer de manière complète et accessible les personnes concernées par l’accord FATCA des traitements de données effectués dans le cadre de cet accord et de leurs modalités. Elle demande également de réaliser une « AIPD » , à savoir une analyse des risques liés à ces traitements de données.  

Les parties peuvent faire appel de cette décision.

Hielke Hijmans, Président de la Chambre Contentieuse, conclut : «Ordonner l’arrêt des flux de données vers les Etats-Unis prévus dans l’accord FATCA peut paraitre sévère, mais à partir du moment où nous constatons que ceux-ci ne sont pas conformes au droit applicable, nous sommes tenus de mettre fin à ces flux de données. Ce principe a été confirmé dans les arrêts connus sous le nom "arrêts Schrems" ».

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