2025
L’APD explique pourquoi elle classe sans suite des plaintes de NOYB
Aujourd’hui, la Chambre Contentieuse de l’APD a procédé au classement sans suite de 16 plaintes dans 5 dossiers introduits par NOYB, une association autrichienne engagée dans la protection de la vie privée et des données.
La Chambre Contentieuse publie en principe toutes ses décisions (finales) : le public peut donc toujours examiner en toute transparence le processus décisionnel de l’APD. L’APD comprend que le public puisse toutefois se poser des questions spécifiques sur ces classements sans suite en raison d’une problématique procédurale et estime dès lors important d’expliquer ces décisions de manière plus générale.
L’APD souligne tout d’abord qu’une association telle que NOYB contribue, dans une large mesure, aux évolutions dans le domaine de la protection des données et du respect de la vie privée des citoyens. Dans la pratique, l’introduction de plaintes auprès d’autorités de protection des données par de tels organismes non institutionnels contribue grandement à la protection des droits des citoyens et constitue aussi un contrôle démocratique sain afin de garder ‘en alerte’ les autorités de contrôle comme l’APD.
L’APD est toutefois également tenue d’appliquer la loi. Le législateur belge a choisi de ne conférer à des associations que le droit d’introduire une plainte en tant que représentant d’un citoyen intéressé, et donc pas en leur nom propre.
À la lumière des dossiers classés sans suite, on peut observer ce qui suit :
- Comme la Cour de cassation (la plus haute juridiction belge) l’a confirmé, le droit d’introduire une plainte en vertu du RGPD est soumis au principe de l’interdiction d’abus de droit.
- Dans un arrêt du 19 mars 2025, la Cour des marchés a constaté que NOYB avait commis un abus de droit lors de l’introduction de plaintes contre Mediahuis concernant les bannières de cookies, plaintes dans le cadre desquelles l’identification du responsable du traitement concerné n’était toutefois pas révélée par NOYB mais bien par le plaignant (un stagiaire de NOYB à ce moment-là), selon les déclarations du plaignant.
Dans les cas dans lesquels la Chambre Contentieuse procède aujourd’hui au classement sans suite, les responsables du traitement sont identifiés par NOYB, qui repère et constate de présumées violations à l’aide de moyens automatisés (la méthode est expliquée sur le site Internet de NOYB). - Plusieurs éléments dans les dossiers faisant l’objet aujourd’hui d’un classement sans suite démontrent que NOYB a donné aux plaignants des instructions concernant la manière dont ils devaient mandater NOYB pour pouvoir déposer plainte et le contenu de ce mandat.
- NOYB inscrit les plaintes dans le cadre de projets qui ont été définis au niveau de l’association, selon les objectifs établis par l’administration de l’organisation (qui est financée via des donations).
- Le législateur belge n’a pas permis que des associations puissent introduire une plainte sans un mandat de personnes concernées individuelles. La création artificielle de plaintes constitue donc un détournement de cette règle de droit procédurale. Selon le jugement de la Cour des marchés dans son arrêt du 19 mars dernier, un tel détournement représente un abus de droit, ce qui est interdit tant au niveau européen qu’au niveau belge.
Dans deux dossiers, la Chambre Contentieuse avait déjà conclu précédemment à un classement sans suite en raison de cette problématique procédurale (Décision 22/2024 et Décision 112/2024). Aucun de ces dossiers n’a fait l’objet d’un recours par les plaignants concernés ou par NOYB.
L’APD souligne que des associations comme NOYB peuvent toutefois bel et bien licitement représenter des personnes concernées auprès de l’APD. Le classement sans suite n’est pas automatique. Dans des affaires où le doute subsiste quant à un éventuel abus de droit, NOYB a évidemment l’opportunité de d’abord prendre position.
Enfin : le RGPD autorise les États membres à prévoir que des organisations de protection de la vie privée puissent introduire des plaintes en leur nom propre. Vu l’importance de ces organisations, l’APD est partisane d’une modification législative qui autoriserait aussi cette option en Belgique.
Hielke Hijmans, Directeur de la Chambre Contentieuse : "Les autorités de contrôle en Europe reçoivent annuellement plus de 100.000 plaintes relatives au RGPD, qui doivent toutes être traitées avec l'attention et la diligence nécessaires. Des associations comme NOYB peuvent jouer un rôle important à cet égard, dans les limites des cadres légaux. Cela me réjouirait que le législateur envisage d'étendre les possibilités légales de ces associations."
Consultez les décisions ici : 106/2025, 107/2025, 108/2025, 109/2025 et 110/2025.